vendredi 1 mars 2013

Jean Azarel: Daniel Darc is away




Chronique : « Crève cœur » de Daniel DARC
 
 
Ancien junkie touché par la foi, Daniel Darc (rien à voir avec Mireille, ni Jeanne, encore qu’avec la seconde…) est revenu au premier plan en 2004 avec le très bel album « Crève cœur ». Extirpé de l’enfer de la dépendance, l’homme aux bras longs comme ses tatouages nous donne à entendre douze morceaux d’une tenue exemplaire. Composé par l’ami Frédéric Lo avec un minimum de moyens, porté par la voix mi rêveuse mi détachée de Darc, « Crève cœur » parle effectivement de et à nos sentiments dans un clair-obscur doux amer avec une élégance un rien désabusée. Quelques bluettes délicatement sucrées aux allures de rengaines pour midinettes déçues par le prince charmant, « Rouge rose », « Je me souviens, je me rappelle », « Mes amis » côtoient des morceaux plus expérimentaux comme « Si tu vas là bas », « Elégie 2 ». « Suis- je inutile et hors d’usage, ou peut être un peu trop amer » se demande avec un brin de coquetterie le désormais quinquagénaire sur la chanson éponyme. Allons donc, « Crève cœur » se conclut sur l’extatique « Psaume 23 », seul titre non écrit par l’ex Taxi Girl, et adapté de la bible, « Le seigneur est mon berger, je ne manque de rien, si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal… ». Quand la légèreté de la vie rencontre la gravité de l’existence, c’est aussi Daniel Darc, un homme, un vrai, à sa façon, hors normes. A écouter mais aussi à voir sans modération.
 
Jean AZAREL
Décembre 2012
 
 
J’ai écrit ces lignes il y a à peine deux mois pour un magazine en ligne qui n’a pas donné suite. C’était pour toi, Daniel. Une façon de t’accompagner à distance. Sur le mode cool. En espérant que ça passe. Raté. Crève cœur. Ce soir, je roule un peu vite et malgré l’air froid, j’ai ouvert la vitre pour mieux respirer. Respirer encore. France Info passe en boucle l’annonce de ta mort toutes les sept minutes. « Retrouvé inanimé chez lui, semble t-il suite à une absorption  d’alcool et de médicaments ». J’attends que Manœuvre se colle à la… (éponyme). Il ne s’en sort pas trop mal le Philippe. Peut être mieux que ne l’aurait fait un Adrien sorti de son cloître ou un Eudeline customisé. Daniel, tu n’as pas voulu mourir à 27 ans. Tu as du penser que ce serait classe de partir à 27 x 2. Mais tu t’es arrêté à 53. Le lendemain de l’annonce du retour marketé de ce faiseur de Bowie. Le jour du retrait de Benoît XVI qui laisse orphelins un milliard de gogos de par le monde. T’as fait exprès dis, ou bien le hasard t’a harponné, ou bien tu t’en foutais royalement. Nous, on est quelques dizaines sans doute à être vraiment tristes parce que des comme toi, il y en a plus trop. Les bobos à l’égo bodybuildé, les préservatifés du bas ventre ne peuvent pas comprendre. Ces gens là n’ont rien compris au rockn’roll, au vibrato de la tripe qui grésille. Le corps abîmé des beautiful loosers, les chouettes rêves planqués dans le perfecto, les excès de la schnouff qui bastonne le sang, les lots de taxi girls au road book magnifique, il faut être passé par là pour savoir. Savoir s’être abandonné. Savoir payer. Et le fric n’a rien à voir là dedans. Inutile de se perdre en conjectures. La claque. C’est fou comme ces derniers temps les grandes morts prennent le pas sur les petites. Tu sais Daniel, j’ai rien à dire de plus, rien à dire à la place d’Aurélie Filipetti (qui la boucle d’ailleurs, même Lang est muet). Je n’ose même pas penser que pour rigoler je vais crever à 27x 3, car ce n’est pas gagné. Ce que je vais faire ?  T’écouter en buvant du whisky, un de tes concerts dans une salle merdique, mais délicieux parce  que c’était toi, ton public, ton electric ladyland à toi, tes sister ray de mes deux, nos alliances secrètes. Bon j’ai écrit ces lignes à l’arrache, quelques internautes noctambules en mal de substitute les snifferont peut être. Ce que je vais faire alors ? Chercher le garçon ? C’est pas mon truc. Aller me pieuter c’est le mieux, en lisant une fois n’est pas coutume une page de la bible, pour toi, pas plus, déjà que je vais mal dormir.
 
Jean Azarel
28 février 2013

 

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