lundi 21 juin 2010

“Te bouffe pas la tête” de Charles Plymell- Compte rendu de Paul Hawkins, traduction Jean-Marie Flémal

Eat not thy mind

Traduction: Jean-Marie Flémal.

Te bouffe pas la tête est une œuvre d’art. Avec un collage de Claude Pélieu sur la première de couverture et un avant-propos de l’ami et bassiste Mike Watt. Ce recueil propose vingt-neuf poèmes contemporains du poète hors la loi qu’est Charles Plymell. C’est avec beaucoup d’amour et de soin que Byron Coley et Thurston Moore, les responsables de la collection Glasse Eye Books / Ecstatic Peace Library, ont produit ce bel objet. Et il ne s’agit que de l’emballage ! Charley Plymell est considéré à juste titre comme l’un des meilleurs poètes de l’underground littéraire américain. Il a vu beaucoup de choses depuis sa naissance en 1935 dans les hautes plaines du Kansas et depuis ses premiers souvenirs du bruit du vent dans la cabine d’un camion Reo Speedwagon. Son père était cow-boy, sa mère fut entre autres cascadeuse au volant. Charley s’empressa de quitter le Kansas en compagnie de gars comme Bob Branaman, S. Clay Wilson, Michael McClure, Bruce Connor et les punks de Wichita filant à tout berzingue à travers le Vortex, le fameux tourbillon, hurlant et rugissant tous azimuts, nord, sud, est et ouest.

Chemin faisant, Plymell et les punks de Wichita tâteront du speed, laisseront tomber le LSD, organiseront des rituels à la mescaline et feront des tas d’expériences dans le domaine de l’art et des autres formes de création des années cinquante. Tous étaient des dévoreurs de tarmac. Charley avait déjà derrière lui deux volumes de poèmes, Neon Poems et Apocalypse Rose quand, en 1971, City Lights publia son truculent roman, Le dernier des Mocassins. Ce roman agrippe, miroite et scintille, avec son style de prose hobohémien ; il débobine les faits marquants de sa vie à Wichita et environs, ses allers et retours entre la côte ouest et le Kansas, le long de la route 66, l’autoroute de la benzédrine, et bien au-delà encore, ses folles années hip et la vie de bâton de chaise de sa sœur aînée Betty. Ses mots se sont mués en étincelles d’énergie, en sparring-partners du cerveau. Le lexème de Te bouffe pas la tête resplendit de façon incandescente dans la sombre conscience du 21e siècle, devenant ainsi le lubrifiant avec lequel les délirants nuages spirituels se mettent en mouvement pour révéler un engagement dans la vie dénué de la moindre hésitation, mais toujours vibrant et astucieux.

D’emblée, les mots de Charley sont capiteux, charmeurs et descriptifs jusqu’à l’intoxication. Ses années hip se sont confondues avec sa période psychédélique avant qu’il enfonce le frein à main à San Francisco. Charley a vécu avec Ginsberg et Neal Cassady, il a imprimé le tout premier Zap Comix de Robert Crumb, puis il a écrit, écrit et écrit tant et plus. Après avoir brûlé le tarmac et vu clair dans le jeu de la Beats Inc., Charley panse ses plaies et monte sur Cherry Valley. Il y va d’une sévère diatribe contre le Fonds national des Arts et son analyse pénétrante et mûrement réfléchie est reprise dans le New York Times et d’autres journaux et publications. Avec sa femme Pam, il lance Cherry Valley Editions, publiant ainsi Herbert Huncke, William Burroughs, Roxie Powell, Claude Pélieu, Mary Beach, pour n’en citer que quelques-uns. Quoi qu’il en soit, Charley est et restera à jamais un poète. Et quel poète ! Sachant à tout moment où recouper les traces en provenance d’un âge lointain, dans Te bouffe pas la tête, Charley envoie des pulsions d’énergie qui prennent leur plein envol autour du cerveau du lecteur, à qui il fait partager la naissance d’une nouvelle conception de la folie actuelle, un autre champ d’interrogation, le souffle d’un vent de fraîcheur pour l’esprit et le cœur dont il faut s’emplir à fond avant de prendre son envol. Te bouffe pas la tête, de Charley Plymell, est une œuvre suprême.

Charles Plymell : Te bouffe pas la tête
Glass Eye Books / Ecstatic Peace Library

374 exemplaires destinés à la vente et 26 numérotés et signés par Charles Plymell
http://yod.com/yodstuff/product_info.php?products_id=6469

Voir également l’interview de Charles Plymell par Paul Hawkins     : “Charles Plymell : The Benzedrine Highway Interview” dans le blog de Ginger Eades     à  Even for the Hipsters, Hustlers & Highjivers  http://hipstershustlersandhighjivers.blogspot.com/

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