À fin d’année,
Voici le compte à rebours du Nouvel An 2013
!
Il était une fois un
petit village qui portait le curieux nom de Faimdamnée. Personne ne savait d’où
venait ce nom qui était bien la seule curiosité du village. Alors qu’il ne
comptait qu’une trentaine de familles et pas de quoi fouetter un chat, il y
avait quand même un château fort qu’avaient construit les ancêtres de Monsieur
le Comte actuel, dernier descendant de la noble famille des Harebours. Celui ci
l’habitait effectivement.
De l’autre côté du village et à la lisière de la forêt,
une petite abbaye n’était plus habitée que par un vieux moine, le Frère Miltrez,
aussi breton que bourru, qui vivait sur les réserves du potager et du verger. Il
savait aussi faire du pain lorsque les gens du village lui apportaient de la
farine et du pâté pour manger avec, dans les grandes occasions.
Le dernier jour de chaque année, pour fêter le Nouvel An,
les Harebours avaient pour tradition d’offrir un grand repas à tous les
habitants du village, dont les impôts contribuaient quand même un peu à leur
confort d’existence, il faut bien le dire. Comme chaque année au cours du repas,
Monsieur le Comte demanda à l’assemblée de ses concitoyens, qui s’étaient tous
bien habillés, si quelqu’un connaissait l’origine du nom du village.
Sa question surprit tout le monde. Pas par sa nouveauté,
bien sûr, mais plutôt parce qu’année après année, il continuait à la poser, sans
se lasser. Cet entêtement-même était surprenant. Les gens avaient l’habitude de
vivre à Faimdamnée et cela leur suffisait. Pourquoi donc chercher à comprendre
ce qui n’a pas besoin d’être compris puisque c’est déjà là et qu’on vit dedans,
n’est-ce pas ?
Sauf le Frère Miltrez et pour deux motifs : son travail de
moine l’entraînait à vivre les activités du monde ordinaire, pâté de lapin
compris d’une part, mais aussi dans les réalités du monde intérieur, d’autre
part. « Quand on est moine, on n’est jamais dérangeable, disait-il.
Ceux qui viennent me rendre visite ne peuvent pas me prévenir de leur arrivée
et je n’ai pas d’emploi du temps. En vérité, c’est le temps qui
m’emploie ! » Les gens avaient l’habitude ; ils ne cherchaient pas vraiment
à comprendre ce qu’il disait. Ils l’écoutaient parler comme une sorte de
musique. C’était moins fatigant.
-
Si vous me permettez, Monsieur le Compte, j’ai
peut-être une réponse. Cette année, j’ai fait quelques recherches… que je vous
ai apportées.
Et le moine vint offrir à Monsieur le Comte Harebours une
boite qu’il lui remit cérémonieusement. Ce dernier l’ouvrit et son sourire se
transforma en surprise amusée.
-
Monsieur le moine, j’ai bien l’impression que cette
boite est vide.
-
Monsieur le Comte, il serait plus juste de dire que
vous la voyez vide.
-
Serait-ce trop vous demander de bien vouloir
m’expliquer ?
-
Je le ferai volontiers, Monseigneur. Et je peux le
faire parce que nous vivons tous ici, et vous et moi, grâce à une curieuse
activité invisible que nous appelons l’esprit. À force d’observer mon esprit,
j’ai constaté qu’il fonctionne comme le ‘vide’ qui se trouve dans cette boite.
Si je veille à employer cette boite en conscience, je peux l’utiliser dans
toutes les occasions de la vie ordinaire, et il y en a beaucoup ! Si je la perds
de vue intérieure de conscience, elle devient comme un village déserté par ses
habitants. Les herbes, les ronces et les arbres l’envahissent ; le vent, la
pluie et les voleurs détruisent rapidement les rues et les maisons. Et le
village s’appelle alors « Abandon ».
-
Frère Miltrez, il n’y a ici que des gens ordinaires,
intervint le Comte. Votre parabole semble bien loin de ma question !
-
Je n’ai pas terminé, Monseigneur. Le sentiment
d’abandon provoque la sensation du « Manque ». Si j’ai faim ou soif en
conscience, je me sers de ma boite vide comme il faut et tout va bien. Si je
laisse les ‘choses ordinaires’ se produire, ou si j’ignore qu’elles se
produisent ainsi, ce Manque se transforme en Désir que jamais rien ne pourra
satisfaire, ce qui laisse mon village intérieur en état d’abandon et mon esprit
en état de souffrance.
-
Et quel rapport ai-je, moi, avec votre belle
histoire ?
-
Depuis votre jeune âge, Monseigneur, on vous a
transmis cette question que vous posez à chaque fois que reviennent l’hiver et
l’époque de ce repas que vous nous offrez ce soir. La sensation de faim
ne fabrique pas de souffrance.
Avez-vous remarqué que dans le mot « manque » se cache
l’opposé de plénitude, un autre mot ? La souffrance commence avec les
interprétations des mots qui possèdent notre esprit comme des démons, lorsque
notre conscience perd de vue ou ignore son existence… Peut-être est-ce là le
sens de Faim Damnée…
-
Et pourquoi, Monsieur le moine,
m’offrir une boite vide ?
-
Ce n’est pas ce que j’ai fait, Monsieur le Comte.
Je vous ai offert du vide en boite. La boite ordinaire est trop petite
pour contenir la conscience ; mais elle nous rappelle que chaque fois que notre
conscience cesse de l’utiliser, c’est la souffrance qui possède notre ‘esprit
ordinaire’.
-
Frère Miltrez, voilà qui rend cette soirée de Nouvel
An très symbolique !
-
Monsieur le Comte, notre esprit sait aisément jouer
avec les mots. Il est plus difficile d’apprendre à jouer avec notre esprit. Le
Nouvel An n’existe… qu’avec les mots de notre esprit, comme un symbole, n’est-ce
pas ?
À Faimdamnée,
C’était le Comte Harebours du Nouvel An de
Miltrez.
Meilleurs
Vœux
Intérieurs
et extérieurs du Moineau Nez
Rouge !
Prochaine ClownMéditation® du
Moine au Nez-Rouge
à Atelier Z le 29 Janvier 2103
!
Jean
Puijalon , le 1er janvier 2013
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